27 et 28 janvier 2022 – Nantes Université
MSH Ange-Guépin Amphithéâtre Simone WEIL 5 allée Jacques Berque Nantes
Antonio DE ALMEIDA MENDES, Maître de conférences en histoire moderne à Nantes Université – CRHIA, Baptiste BONNEFOY, Maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Nanterre – ENSA / Mondes Américains, et Vincent VILMAIN, Maître de conférences en histoire contemporaine à Le Mans Université – Temos, vous invitent à la 3ème journée d’études du programme ReLRace qui porte sur :
Effacer la macule ? Conflits d’appartenance et communautés de foi (XIIIe-XIXe s.)
Le rapport entre la macule, au sens d’une souillure ineffaçable, indélébile, et la conversion, renvoie à une tension ancienne entre deux historiographies. La première a mis en avant l’incompatibilité fondamentale des religions chrétienne et musulmane avec la race et le racisme, en insistant sur l’universalité du salut. La seconde, au contraire, a dénoncé les matrices chrétiennes et/ou musulmanes du racisme, à partir du moment où la théologie remettait en question l’efficacité de la conversion, que ce soit pour maintenir sans souillure la communauté et les honneurs, ou pour justifier l’esclavage et la traite, créant ainsi des statuts ou des lignées spécifiques au sein de la communauté religieuse. Dès lors, la conversion n’effacerait ni la macule de l’infidélité originelle, ni celle de l’esclavage, justifiant des formes d’exclusion religieuse envers les nouveaux convertis, les esclaves ou les affranchis (J. H. Sweet, 1997 ; M. E. Martínez, 2008 ; B. Hall, 2011 ; R. Goetz, 2012 ; M. S. Hering Torres, 2012).
Loin de ces deux tendances, des travaux récents ont revisité les liens entre macule, conversion et esclavage, en soulignant la pluralité des contextes locaux, ainsi que l’ambivalence et la malléabilité des discours religieux. Sur la question de la réduction des populations africaines en esclavage, par exemple, les débats des théologiens de l’époque moderne ont davantage porté sur les contours de la guerre juste que sur la malédiction de Cham ou la marque de Caïn (B. Braude, 2002 ; S. R. Haynes, 2002 ; D. M. Goldenberg, 2003 ; C. Zeron, 2009, 2017 ; D. M. Whitford, 2009), accordant ainsi, dans la pratique, une importance cruciale aux temporalités et aux modalités de la conversion dans la négociation des statuts et des assignations sociales (R. T. Ware, 2014 ; C. Ireton, 2019, 2020).
L’arrivée des Européens sur les côtes d’Afrique de l’Ouest puis aux Amériques induit des contacts inédits entre des populations culturellement différentes. Dans les enclaves européennes qui naissent sur les côtes d‘Afrique de l’Ouest, des catégories telles que le sang, le lignage et la race ont dû s’adapter aux enjeux sociaux et politiques des sociétés sénégambiennes rapidement métissées et elles-mêmes confrontées à des processus d’islamisation, de réhiérarchisation par le lignage, et/ou de reconfiguration territoriale complexe. La notion de « sang », de « race », qui liaient la « qualité » des lignages, la couleur de la peau et à l’« honneur », véhiculée par les représentations européennes, mérite d’être mise en miroir avec les catégories de caste, d’ordre ou de lignage dans les processus identitaires à l’œuvre dans les sociétés sénégambiennes. Ces désignations évoluent et interagissent dans le temps pour différencier des « vertus » héréditaires et des qualités assignées de pureté ou d’impureté, liées à une ascendance libre ou servile (J. Schmitz, 1994 ; A. Ngaide, 2003 ; I. Thioub, 2012).
Cette troisième journée d’étude ReLRace souhaite prolonger ces travaux, en réévaluant l’impact des rites et des sacrements religieux sur les statuts et les registres d’appartenance des convertis au sein des communautés de croyants, et plus généralement sur les redéfinitions théologiques du pur et de l’impur. L’objectif de la journée est d’aborder et d’historiciser des questions aussi diverses que le rôle des lignages dans la définition et la pérennisation de la macule, les liens entre racialisation et conversions massives, ainsi que les mécanismes et stratégies d’accès à certaines sphères et dignités théoriquement soumises à des statuts de pureté de sang, et à ce titre, interdites aux néo-convertis, aux descendants d’esclaves ou aux gens de couleur. Conversion, mariage, dispenses religieuses, passing : quand et comment effaçait-on la macule ? Cette problématique sera confrontée à une multitude de terrains, depuis le XIIIe jusqu’au XIXe siècle, afin de mettre à jour les spécificités locales dans l’articulation des discours et des pratiques d’exclusion en religion.
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